Faire fi des conventions

Avec Trincot la rose n’est pas une rose et le coquelicot n’est pas un coquelicot...Toute fleur est suggérée par des taches de couleurs. Tel un magicien, il pose quelques notes de couleurs mauves et voici que se déploie devant le regard émerveillé un beau champ de lavande...Plus loin, il applique une myriade de touches jaunes pour faire surgir un luxuriant jardin de mimosas...

 

De toute évidence, Trincot est le seul peintre, à ma connaissance, à même de disposer d’un pouvoir démiurge : à peine pose-t-il quelques couleurs que déjà la toile chante, danse, galope et s’intègre au mouvement de la vie. C’est entre les fleurs et les paysages abstraits que se manifeste de façon magistrale sa virtuosité inégalable lorsqu’il peint des bouquets sans fleurs et du formel sans figure.

 

Trincot est un peintre figuratif qui s’est libéré du ronron répétitif de la figuration et du non-dit de l’abstraction. De ce fait, il a trouvé en compagnie des chevaux et des fleurs et dans l’exploration de l’abstraction une sorte de synthèse révolutionnaire l’ayant encouragé à faire fi des conventions, des gaines, des rengaines et des refrains lassants pour se retrouver seul face au mystère du langage. C’est précisément cette solitude qui lui a permis de devenir ce qu’il est : le peintre du mouvement, le peintre du vent et le peintre de la vie.

 

Ô bouquet de fleurs perdu dans la carafe lorsque la parafe de Trincot vient arroser le tableau d’un fleuve d’amour menant vers l’océan du désir parant de parfums subtils les couleurs ardentes de la fureur de vivre.

 

De fleur en fleur et tel un papillon en chaleur, Trincot se charge de la beauté originelle du monde pour en engranger, comme une abeille, le précieux nectar dont la toile est le réceptacle privilégié.

 

Rien ne vaut un bouquet pour signifier notre amour à travers le langage raffiné et délicat des fleurs : « plus je peignais des fleurs et plus j’arrivais à élucider le mystère de la peinture. A travers l’observation assidue des fleurs, j’ai pu dans cette méditation continue atteindre le secret des couleurs ».

 

Mustapha Chelbi - catalogue raisonné, pages 80-81