Biographie de Ferdinand Henri Maire (1901-1963)

Ferdinand Henri Maire
Ferdinand Henri Maire

Ferdinand Henri MAIRE est né le 23 mars 1901 à Zürich (1). Il est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants, fruits de l’union de Julien MAIRE, un tailleur-coupeur et d’Alice Maire ROBERT, une courtepointière.

 

Ferdinand MAIRE effectue ses premières classes à Zürich où son talent est rapidement repéré par son professeur qui l’encourage à s’inscrire dans une école d’art. Entre 1916 et 1917, il suit ainsi des cours à la Schule fur Gestaltung de Zürich en section peinture et d’après nature.

 

Lorsqu’en 1917 ses parents retournent à Corcelles, dans le canton d’origine de Julien MAIRE, Ferdinand exprime le désir de poursuivre sa formation artistique à l’École d’art de La Chaux-de-Fonds. Son père, soucieux de l’avenir professionnel de son fils, accepte à la condition que ce dernier étudie la bijouterie concurremment à sa formation de peintre et de graphiste. En 1920, Ferdinand obtient ainsi un diplôme dans les trois disciplines.

 

L’année suivant l’obtention de son diplôme, il met sur pied sa première exposition puis, entre 1923 et 1924, part pour un voyage de huit mois aux Philippines. A son retour, il se rend à Paris pour parfaire sa maîtrise du graphisme en suivant des cours libres à l’Académie Julian (2) et à la Grande Chaumière. (3)

 

En 1926, il épouse Sophie KLÄÜI, rencontrée durant ses études. Cette même année il installe son atelier de graphiste dans la Maison Bata, à la place de la Poste à Neuchâtel. En 1927 et 1929, deux enfants, Jacqueline et Ferdinand Junior voient le jour. Pour subvenir aux besoins du jeune ménage, Ferdinand MAIRE diversifie ses activités. En plus de son travail de peintre et de graphiste, il se fait tour à tour affichiste, décorateur de théâtre, maquettiste, dessinateur de publicité ou encore pianiste dans un cinéma muet. Ces diverses activités ne l’empêchent pas de mener une vie sociale intense.

 

Féru de sport, Ferdinand MAIRE pratique notamment le tennis, le ski, l’aviron et le hockey. Avec ses frères et plusieurs amis, il fonde ainsi en 1932 le club de hockey neuchâtelois des Young Sprinters, club dont il crée les couleurs et le design.

 

En 1935, une Société des amis du peintre est mise sur pied, ce qui permet à Ferdinand MAIRE de se consacrer plus particulièrement à sa passion : la peinture. Grâce aux cotisations, l’artiste et sa famille effectuent également plusieurs voyages, notamment en Espagne et en Algérie où résident les deux frères cadets du peintre. En février 1940 la famille MAIRE embarque pour les Baléares. Le séjour, censé durer plus d’une année est interrompu après quelques mois seulement par l’annonce de la guerre. Jusqu’en 1945 Ferdinand et sa famille sont contraints de rester à Neuchâtel, au grand dam du peintre qui déclare dans un entretien que « rester à Neuchâtel toute l’année, pour un peintre, c’est faire le carrousel. Il faut sentir périodiquement un bon coup de pied qui vous projette sous un autre ciel ». (4)

 

En 1942, Sophie KLÄÜI-MAIRE décède brutalement et la famille doit apprendre à réorganiser le quotidien sans son apport financier et son talent de planification. Ferdinand MAIRE se remarie quelques années plus tard, avec une jeune femme surnommée Gri. A la fin de la guerre, le peintre peut reprendre ses escapade et visite l’Algérie puis le Midi de la France qui lui inspire de nombreuses toiles. Les voyages constituent pour Ferdinand MAIRE d’excellents terrains d’expérimentation. Lui qui déclare s’être lassé du « vert suisse » (5) puise dans ses expériences à l’étranger matière à une réflexion sur la couleur et la lumière.

 

Au fil des paysages, des scènes et des natures mortes Ferdinand MAIRE travaille et équilibre ainsi minutieusement les nuances et les teintes (6). En 1949, à la demande de Maurice VAUCHER président des horlogers de Suisse, Ferdinand MAIRE exécute une fresque pour les nouveaux quartiers généraux de la Fédération horlogère à Bienne. Il choisit de traiter, à travers plusieurs objets symboliques tels le cadran solaire, le sablier ou la montre moderne, la représentation du temps à travers les âges. Cette fresque attise l’intérêt d’un industriel new-yorkais qui décide, en 1954, de confier à Ferdinand MAIRE la réalisation d’une fresque similaire pour le nouveau bâtiment de la fabrique de montres Bulova à Long Island. Après plusieurs mois de travail dans son atelier, mois durant lesquels il exécute avec sa rigueur habituelle esquisses et maquettes, le peintre embarque pour New-York (7). Il y séjourne deux mois entiers en se rendant quotidiennement à l’usine Bulova pour exécuter sa fresque selon la technique du graffiti coloré déjà utilisée à Bienne.

 

Dès les années 1950, Ferdinand MAIRE met également sur pied de nombreuses expositions en Suisse, à Neuchâtel, Bienne, Grange ou encore à La Chaux-de-Fonds. Il organise également des soirées de ventes dans son atelier du Jardin du Prince et donne des leçons de dessin. Professeur exigeant, il refuse d’enseigner aux élèves qu’il juge moins doués.

 

Les dernières années de la vie de Ferdinand MAIRE sont rythmées par de nombreux séjours dans le Midi, à Collioure, Collias et Saint-Maximin, séjours effectués seul ou en compagnie de Lucia, sa troisième femme. L’artiste y perfectionne son art, dans une recherche perpétuelle d’équilibre et d’innovation.

 

Les très nombreux dessins préparatoires soulignent ainsi l’importance accordée aux coloris et à la composition. Ferdinand MAIRE multiplie en effet les esquisses jusqu’à trouver le bon point de vue, le bon agencement, le bon équilibre pour sa future toile. Très inspiré par Braque, Picasso, Cézanne ou encore Gris et Villon il parvient, au fil des années, à développer un style et des sujets propres. Il décompose l’espace en lignes, arabesques et motifs colorés desquels surgissent des figures, des personnages ou des objets stylisés.

 

Le 23 mars 1963, moins de deux ans après la naissance de son fils cadet Frédéric, Ferdinand MAIRE décède tragiquement à la suite d’un infarctus au volant de sa voiture. Il laisse derrière lui une oeuvre abondante, essentiellement conservée chez ses trois descendants directs mais également exposée partout en Suisse, à Alger ou à New-York. Ses toiles, aquarelles, gravures et fresques témoignent d’une grande richesse et variété et demeurent d’un intérêt indéniable pour l’histoire de la peinture dans le canton de Neuchâtel.

 


 

1. La plupart des informations sont issues d’entretiens réalisés entre juin 2012 et mai 2013 avec Jacqueline AUBERT-MAIRE, la fille aînée de l’artiste, à Chesnaux-Noréaz. (ndlr : aujourd’hui décédée)

 

2. L’Académie Julian est une école d’art privée fondée au milieu du XIXe siècle à Paris, où de nombreux artistes ont étudié. On peut citer parmi eux, les Suisses Edmond BILLE, Félix VALLOTTON ou encore Cuno AMIET. Voir à ce sujet : FEHRER Catherine (dir), The Julien Academy : Paris I868-1939, catalogue de l’exposition en 1989 à la Shepherd Gallery à New York, New York : Sheperd Gallery,1989.

 

3. L’Académie de la Grande Chaumière, dans le quartier de Montparnasse à Paris, a été fondée an début du XXe, siècle et continue aujourd’hui de proposer de nombreux cours aux étudiants artistes. Parmi ses élèves, citons BALTHUS et Meret OPPENHEIM. Voir NOËL Benoit, Parisiana, lit capitale des peintres au XIXe siècle, Paris : Presses Franciliennes, 2006. Voir également le site de l’Académie, URL : http://www.grande-chaumiere.fr/fr/

 

4. Daniel BONHÔTE, « En évoquant la condition de l’artiste en pays neuchâtelois avec le peintre Ferdinand Maire », dans L’Express, 5 avril 1952, p. 6.

 

5. Citation reprise des entretiens avec Jacqueline AUBERT-MAIRE

 

6. Dans son allocution préparée pour l’inauguration de l’exposition « Ferdinand Maire entre tableaux et vignobles », Patrice ALLANFRANCHINI souligne que les séjours de Ferdinand MAIRE, en France notamment, enrichissent considérablement la palette du peintre. Il va plus loin encore et propose une véritable dichotomie entre les toiles neuchâteloises souvent ternes et vaporeuses et celles effectuées à l’étranger plus vives et lumineuses. Sans épouser un point de vue aussi radical, il paraît évident que la couleur occupe une place de choix dans l’oeuvre de Ferdinand MAIRE et qu’il cherche tout au long de sa vie à affiner et développer sa palette par ses voyages, ses expériences et un travail régulier.

 

7. Ce séjour est relaté par Daniel BONHÔTE, « Un artiste neuchâtelois a franchi l’Atlantique pour peindre des fresques à la gloire de l’horlogerie », dans L’Express, 30 novembre 1954, p. 8.

 

8. Idem., A propos de la technique du graffiti coloré Bonhôte écrit « L’artiste opère à travers le papier de la maquette sur le gypse humide, gravant avec des gouges les traits qui cernent les contours de son dessin. Puis, il traite en couleurs les zones ainsi délimitées. A Long Island, Ferdinand Maire a utilisé comme teinte de fond un enduit gris-vert très clair et a animé ses personnages [...J de terre, de jaune et de gris ».

 

Les auteurs de cette biographie datée du 18 juin 2013 sont Julie GUINAND et Lyla VAUCHER-DE-LA-CROIX. Elle a été commandée par Madame Jacqueline AUBERT-MAIRE, fille du peintre. Elle a été réalisé dans le cadre de l’Université de Neuchâtel, en Histoire de l’Art.